vendredi 16 mars 2012

Fabrique, asile, prison, hôpital : la Salpêtrière

 
91, boulevard de l'Hôpital 75013 Paris. Métro : Saint-Marcel.



   La Salpêtrière constitue un cas unique : celui d’une fabrique qui ne fonctionna qu’une vingtaine d’années, il y a près de 400 ans, a été détruite, mais dont le nom reste connu de tous. Avant de devenir un des grands hôpitaux de Paris, la « Salpé » fut au dix-septième siècle, comme son nom l’indique, l’un des lieux de la capitale où était raffiné le salpêtre pour en faire de la poudre à canon. 

Retour aux alentours de 1630. A l’époque existe un Grand arsenal, établi à l’initiative de François Ier entre la Bastille et la Seine. Problème : la ville s’étendant, cet arsenal se retrouve au milieu de l’agglomération, ce qui présente de notables dangers. Dans cette fabrique de poudre, les explosions ne sont pas rares. C’est la raison pour laquelle, en 1634, le roi Louis XIII décide d’implanter un Petit arsenal sur la rive gauche de la Seine, à un endroit se trouvant à l’époque hors de la ville. Il en confie la responsabilité à l’un de ses conseillers, François Sabathier.

Celui-ci, qui se fait fort de produire de grandes quantités de salpêtre à partir des boues et vidanges des basses fosses de Paris, achète alors diverses parcelles situées "hors les faubourgs de Saint-Victor, au lieu dit Pont Livaut et à présent appelé la voirie de Sainte-Geneviève". Au total, un emplacement d’environ 18 arpents, soit 9 hectares. Peu à peu y sont construits "divers corps de bâtiment de 30 à 40 toises de long, en forme de grange" -c’est là qu’est raffiné le salpêtre-, une fonderie, et "quelques lieux propres à des magasins", indique une notice établie en 1657. Une chapelle est également mentionnée.

En 1639, cette Salpêtrière change de propriétaire : François Sabathier cède la fabrique à un certain Daniel Dufay. Celui-ci l’agrandit puis, poursuivi par des créanciers, la remet en 1650 à l’administration du roi. La production est alors arrêtée. Les bâtiments, désaffectés, trouvent assez vite un autre emploi. Face à l’accroissement de la pauvreté dans Paris, le jeune roi Louis XIV décide en effet, en avril 1656, de créer une structure "pour le renfermement des pauvres mendiants de la ville de Paris et des faubourgs". Divers établissements qui existent déjà, comme Bicêtre, la grande et la petite Pitié, la Savonnerie, etc., sont transférés à cette nouvelle organisation appelée Hôpital général. C’est aussi le cas des bâtiments du Petit arsenal, autrement dit la Salpêtrière.

"D’entrée de jeu, un fait est clair : l’Hôpital général n’est pas un établissement médical", souligne Michel Foucault dans son Histoire de la folie (Plon, 1961). Il s’agit moins de soigner que d’enfermer mendiants et vagabonds, "valides ou invalides, malades ou convalescents, curables ou incurables", précise l’édit royal. A la fois asile, prison et hôpital, la Salpêtrière restera néanmoins aussi un lieu de travail, et de fabrication. Les pauvres enfermés sur place doivent en effet "y être employés aux ouvrages, manufactures et autres travaux, selon leur pouvoir", expose l’édit de 1656 dès son article 1.

A la Salpêtrière, une partie des femmes de l’Hôpital général fabriquera ainsi non plus du salpêtre, mais des vêtements. Au milieu du dix-neuvième siècle encore, elles confectionnent dans les ateliers "une partie du linge des hôpitaux et hospices, et différents effets de lingerie, principalement des chemises pour le commerce", relate en 1863 le docteur Henri Girard de Cailleux. Car, assure-t-il, "de tous les moyens employés pour ramener l’ordre et le calme dans un asile, pour conserver les bonnes mœurs, pour obtenir la guérison et à défaut l’amélioration de la folie, le travail est un des plus puissants et des plus efficaces."







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